L'origine
À l'abandon
© Raymond Lewis, 1940.
Mon intérêt pour la photo date d'il y a bien des années. De la fin du primaire, sans doute quand j'avais 11 ou 12 ans, peut-être même un peu moins, alors que je recevais mon premier appareil photo, un vieux Brownie, qui me servit quelques mois. J'ai encore le souvenir très net de plusieurs photos de cette époque, en noir et blanc.
Mon deuxième appareil était un Minoltina AL-S, que mon père choisit avec un grand soin. C'était mon premier véritable appareil photo, même si le Brownie a joué un rôle décisif. Le Minoltina a été très formateur, surtout parce qu'il n'était équipé que d'une lentille fixe, une 40 mm ; il avait toutefois l'avantage de posséder une cellule au sélénium, un progrès remarquable par rapport au Brownie. Avec cet appareil, j'ai fait l'apprentissage de la chambre noire, au collège et à la maison, où nous avions installé un laboratoire bien équipé. D'autres appareils suivront, que j'ai toujours avec moi, dont un merveilleux Yashica-D (6x6) ; d'autres expériences de laboratoire suivront, en couleur notamment, avec les produits Cibachrome, qui constituaient à l'époque une vraie révolution. Ces années m'ont surtout permis de développer un certain regard. Puis long intermède, sans photographie, ou presque. Le retour à la photographie s'est fait avec l'invention du numérique, et les possibilités qu'il offre. Plus besoin de chambre noire, une chambre blanche suffit.
C'est probablement la photo plus haut qui marque l'origine de mon intérêt pour la photo. Une photo prise par mon père, il y a très longtemps, avec un 6x6, dont on a perdu la trace (et qu'il avait oublié), mais pas le négatif, rangé dans une boîte à chaussures avec plein de photos, surtout de notre enfance : les premiers pas, les sourires, les fêtes...
Le négatif était là avec la page du cahier spécial de La Presse, où cette photo, cadrée plus serrée, a été publiée (7 septembre 1940). La photo a été prise durant l'été qui précédait. La légende indiquait : " Le calme de la campagne : tout somnole tranquillement : les pommiers, les hautes herbes, la roue brisée d'une herse. C'est à juste titre et avec le sentiment bien net de l'image qu'il a créée que monsieur Raymond Lewis, gagnant d'un prix spécial en marge du concours de photographie de la Presse, a intitulé cette photographie : À l'abandon..."
La Presse, 7 septembre 1940
Mon père m'a enseigné les rudiments de la prise de vue, à l'époque où rien n'était automatique, et de la chambre noire, qui représentait tout un défi. Il m'a surtout donné la passion de la photographie. La photo que la Presse a publié m'avait fait voir autrement mon père ; elle m'avait aussi permis de comprendre toute la puissance de la photographie, l'intérêt qu'elle pouvait représenter.